DALAÏ-LAMA : Compassion 16
4 – Développer la compassion (suite) : « Vaincre l’ennemi qui est en soi » (3/3)
Pourtant, même si des visées aussi lointaines ne nous intéressent pas, il vaut mieux prendre soin de son esprit que de se préoccuper uniquement de son argent.
… Or, s’il est difficile d’endurer sa propre souffrance, comment pouvons-nous envisager d’assumer celle de tous les êtres?…Un maître indien* du VII° siècle, explique la différence phénoménologique entre la douleur ressentie lorsque nous prenons sur nous la souffrance d’un autre être et celle qui émane directement de nous et de notre propre souffrance. La première contient un élément d’inconfort, car nous partageons certes la douleur de l’autre, mais nous gardons aussi une certaine stabilité d’esprit en acceptant délibérément cet état. Dans la participation intentionnelle à la souffrance d’autrui, il y a un sentiment de force et de confiance tandis que dans le deuxième cas, notre expérience des douleurs et des souffrances est involontaire. Comme elle échappe à notre contrôle, nous nous sentons faibles et bouleversés.
Les enseignements…sur l’altruisme et la compassion utilisent des aphorismes comme : « Ne vous souciez pas de votre propre bien-être mais privilégiez celui d’autrui ». Ces formules peuvent paraître intimidantes, mais il faut les replacer dans leur contexte, celui d’une pratique où l’on partage volontairement la souffrance et la douleur de l’autre.
En fait, il faut être capable de s’aimer soi-même avant de vouloir prendre soin d’autrui. L‘amour de soi ne naît pas d’un sentiment de dette personnelle dont nous serions redevables à nous-mêmes. La capacité à s’aimer repose plutôt sur le fait que, par nature, nous désirons tous être heureux et éviter la souffrance. Après avoir reconnu cet amour de soi, il est possible de l’étendre à tous les être sensibles. Par conséquent, lorsque certains enseignements nous exhortent à ne pas rechercher notre propre bien-être mais à favoriser celui d’autrui, il faut les comprendre dans le cadre d’un entraînement à la compassion idéale. Nous devons surtout éviter de nous complaire dans des pensées égocentriques qui négligeraient l’impact de nos actions sur autrui.
Nous pouvons aussi apprendre à estimer les êtres en reconnaissant que leur affection joue un grand rôle dans nos propres expériences de bonheur de joie et de réussite. Cela devrait être notre considération première. Ensuite, l’analyse devrait nous montrer que tous nos problèmes et nos souffrances proviennent d’attitudes égocentriques qui privilégient notre bien-être personnel aux dépens de celui d’autrui, alors que nos joies et notre confiance sont issues de pensées et d’émotions tournées vers les autres. En comparant ces deux attitudes -penser uniquement à soi et se soucier des autres-, nous comprendrons à quel point le bonheur d’autrui est précieux.
* Shantideva : « Guide de vie d’un bodhisattva »
[Transcription tiré du livre « Les voies spirituelles du Bonheur »]
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